Plus de 70 % des licornes françaises n’ont ni un impact positif intrinsèquement lié à leur activité, ni une stratégie d’engagement claire.

La licorne à impact, un animal encore trop rare, mais l’entrée dans ce cercle d’entreprises comme Verkor est peut-être le signal d’un mouvement à venir.

Au cours des 20 dernières années, le monde a vu fleurir plus d’un millier de licornes. Ces startups valorisées à plus de 1 milliard de dollars, par leur caractère innovant et leur forte croissance, ont bousculé les lignes de l’économie traditionnelle, comme Airbnb et Uber.

Dans un contexte de crise écologique et d’inégalités sociales croissantes, nombre de gouvernements communiquent fièrement sur les levées de fonds de leurs licornes nationales, sans interroger leur utilité sociale ni les potentiels risques associés à leur activité. Au même titre que la performance globale d’un pays est bien souvent mesurée par le biais de son PIB, la performance globale d’une licorne est uniquement mesurée par sa valorisation financière.

Or les licornes les plus emblématiques de la tech n’ont pas d’impact positif intrinsèquement lié à leur activité. En d’autres termes, elles n’adressent pas d’enjeux environnementaux ou sociaux par le biais de leurs produits et services. Par exemple, les licornes chinoises Tik Tok et Shein, la plateforme de vente en ligne de mode ou Epic Games, développeur et éditeur de jeux vidéo américain, ou encore N26, la 1ère néobanque allemande ont une activité qui au mieux n’a aucun impact sur la société, au pire un impact négatif.

Mais qu’en est-il des 28 licornes françaises ?

Seules 25% d’entre elles ont un impact positif intrinsèquement lié à leur activité. Ce constat est plus mesuré si on élargit aux entreprises du French Tech Next 40, le programme d’accompagnement de l’Etat sur les startups jugées les plus performantes, puisque 38% d’entre elles répondent par leur activité à un problème social ou environnemental. Ceci s’explique entre autres par l’intégration de critères sociaux et environnementaux dans la sélection.

C’est le cas par exemple de BackMarket, la marketplace de produits électroniques reconditionnés. Totalement intégrée dans l’économie circulaire, l’entreprise a même décidé d’aller encore plus loin en obtenant la certification B-Corp et la qualité de société à mission en 2022, avec pour raison d’être « donner à tous les humains le pouvoir de faire durer les machines par la circularité et la réparation ». Selon Camille Richard, directrice du développement durable chez Back Market, cette raison d’être est une « boussole dans toutes nos décisions stratégiques et dans les relations avec nos parties prenantes ».

D’autres exemples de business model “à impact” ont également fait leurs preuves, comme Blablacar qui contribue au développement d’une mobilité plus verte, plus inclusive et accessible au plus grand nombre, ou Verkor qui contribue à la décarbonation de la production de batteries et qui vient collecter 2 milliards d’euros pour accompagner le développement de sa « méga-usine » de Dunkerque.

Selon Benoit Lemaignan, CEO de Verkor « le statut de Licorne n’est pas une fin en soi pour Verkor, mais une étape obligatoire pour financer notre Gigafactory de batteries françaises. Ce statut nous permet de prouver et de démontrer qu’il est possible d’entreprendre et de fédérer dans le domaine des technologies propres en France. Nous souhaitons que cette aventure fasse l’effet « boule de neige » avec d’autres projets à fort impact »

Dans un autre registre, certaines start-ups s’engagent à transformer la société et préserver l’environnement sans pour autant être présentes sur des activités vertueuses par nature. C’est le cas par exemple de Contentsquare, la plateforme spécialisée dans l’analyse du comportement des consommateurs et l’exploitation des données comportementales, qui a obtenu la qualité de société à mission en 2022 et dont la raison d’être est “d’aider les marques à créer un monde digital plus humain”. Toutefois, l’entreprise n’a pas encore communiqué les plans d’action et objectifs qui permettront d’aligner son modèle d’affaire avec cette raison d’être.

De son côté, ManoMano, marketplace de produits et services dans l’univers du bricolage, jardinage et maison, a publié un rapport d’impact en 2021, dans lequel elle explique comment atteindre son objectif de devenir “le leader européen responsable de l’aménagement de la maison en ligne”. Sur le volet environnemental, l’entreprise a lancé des solutions de réduction de l’empreinte carbone, ainsi qu’une stratégie d’offre responsable afin de rendre le catalogue plus vertueux. Des objectifs et indicateurs concrets ont été définis, tels que le nombre de produits affichant une l’information sur l’éco responsabilité ou la part des produits sans suremballage.

Cependant, plus de 70% des licornes françaises n’ont ni impact positif intrinsèquement lié à leur activité, ni stratégie claire d’engagement. Pour certaines d’entre elles, la “mission” ou “raison d’être” vise principalement à servir au mieux leurs clients, comme une fintech dont la mission est de “libérer l’équipe administrative et financière de la charge mentale liée à la gestion des dépenses de l’entreprise” ou encore une plateforme d’intelligence artificielle qui vise à “libérer les assureurs pour leur permettre d’être présents de différentes manières pour encore plus de clients”.

Les licornes jouent un rôle clé dans la transformation de notre société en ayant un impact direct sur les comportements des entreprises et individus. Les modes de vie et de consommation de demain seront affectés par leurs produits et services, ce qui illustre la nécessité pour ces entreprises de créer des modèles plus durables et inclusifs en s’engageant dans une stratégie à impact positif.