L’Afrique : Laboratoire de la mobilité électrique ?

Quand on parle de mobilité électrique, on pense tout de suite à la Chine, à l’Europe ou aux USA, des pays où l’électricité est partout et où les revenus permettent une transition écologique coûteuse. L’Afrique , elle, semble aux abonnés absents tant il est vrai que l’on imagine mal un Range Rover électrique traversant une rivière au milieu de la savane à 1000 km de la première borne de charge.

Cela étant, quelques signaux pourraient mettre à mal cette vision simpliste.

Rappelons nous d’abord la facilité déconcertante par laquelle les téléphones cellulaires se sont imposés en Afrique. L’Afrique n’avait ni les moyens ni les capacités de développer un réseau filaire très lourd en investissement et en maintenance et , d’un coup, s’est convertie au téléphone cellulaire à une vitesse incroyable, tant cela était facile et peu coûteux en infrastructure. 

Récemment , l’Ethiopie a surpris tout le monde en évoquant une transition électrique volontariste au titre que ce pays a beaucoup d’hydroélectricité et que sa balance commerciale est plombée par les importations de pétrole. 

Y a t il donc un signal faible a regarder de plus près ?

La mobilité en Afrique c’est d’abord majoritairement des deux roues (vélos, scooters, motos) et du transport collectif (taxis, taxi brousse, cars, etc..). La part de véhicules automobiles est assez faible (~60 Mu ) avec une majorité (~85%) de véhicules de deuxieme, troisieme ou quatrieme main venant d’Europe ou d’Asie et dont l’état et la maintenance sont aléatoires. 

Dans les différentes analyses prospectives, les pouvoirs publics locaux poussent bien sûr à l’électrification du transport public, mais ceci reste totalement marginal . D’après McKinsey/Shell sur une étude couvrant 5 pays (Ouganda, Rwanda, Nigeria, Kenya, Ethiopie) , la part de VEs dans le transport public sera de 110 ku sur un parc équivalent de 3,35 Mu, soit 3% de pénétration.

A l’inverse, la part de deux roues électriques va bondir à 22 % de pénétration, et va représenter surtout dans le parc 2040 90% de la mobilité électrique

La mobilité électrique en Afrique est donc essentiellement une mobilité à 2 roues. Et le coût du transport étant extrêmement contraint (de l’ordre de 1 à 3 Euros du parcours) compte tenu des revenus faibles de la population, les modèles économiques propres à supporter cette évolution vont sans doute être très spécifiques.

Ainsi, on peut regarder avec beaucoup d’intérêt les modèles de location ou de leasing séparés de la batterie et du 2 roues comme c’est le cas avec les scooters Gogoro à Taïwan. 

Ainsi d’un côté on a un 2 roues sans batteries qui est notamment moins cher à produire qu’un 2 roues thermique et de l’autre des sociétés de leasing qui portent les Capex et les Opex de la batterie. 

De tels modèles existent déjà comme M-Auto (une société indienne) au Togo qui propose un modèle “pay as you go” à 999 FCFA/jour (1,5 Euro), ou Ampersand au Rwanda et au Kenya qui propose des motos “pay as you drive” à ses clients chauffeurs. 

Bien sûr, l’accès à l’électricité constitue un enjeu majeur, car 50% des africains n’y ont pas aujourd’hui un accès facile. Le développement de réseaux locaux, fondés sur l’énergie solaire abondante ou l’hydroélectricité est un prérequis essentiel.

Il serait donc possible que l’Afrique, faisant face à la fois à des revenus faibles, des mobilités contraintes et une transition énergétique complexe, soit particulièrement dynamique et créative pour inventer une mobilité décarbonée légère qui pourrait être un modèle pour le reste du monde.