Recycler les batteries, un enjeu majeur

Le véhicule électrique (VE) a beaucoup de vertus, et quelques spécificités auxquelles il faut s’accommoder. La batterie est probablement le sujet le plus complexe et, actuellement, le plus polémique, du fait de son coût financier comme environnemental.

On peut notamment citer:

  • Une forte empreinte carbone à la fabrication, qui ne permet d’atteindre le net zéro en émissions de CO2 qu’au bout d’un kilométrage de 15’000 à 45’000 km selon les lieux de fabrication et d’utilisation (empreinte carbone fabrication batterie entre 50 et 110kgCO2e/kWhbatterie, mix électrique français à 80gCO2e/kWh ou mix électrique européen à 380gCO2e/kWh)
  • La nécessité d’avoir recours à des métaux peu exploités aujourd’hui (lithium, manganese, cobalt..), et donc de générer de nouvelles mines, avec les considérations économiques, sociales et environnementales associées.
  • La mainmise de la Chine sur la technologie et les matériaux, ce qui pose un problème majeur de souveraineté (75% des batteries actuellement sont fabriquées par des entreprises chinoises).
  • Un prix considérable qui concentre l’essentiel de la valeur nouvelle du VE et le rend trop cher (en moyenne +10’000 euros par véhicule entre un thermique et un électrique équivalent).
  • Un risque de vieillissement de la batterie notamment pour les ventes en occasion, les batteries étant garanties 8 ans pour garder 80% de leur capacité. Par ailleurs, les résultats réels montrent des vieillissements meilleurs que ceux théoriques, avec 80% de capacité conservés durant 10 à 12 ans. 
  • Une réparabilité pouvant être très difficile en fonction des choix d’architecture véhicule (plus ou moins intégrée dans le véhicule, avec le cell-to-chassis)

Tous les acteurs de batteries travaillent sur ces problèmes en parallèle. Un sujet important c’est la réparabilité et la réparation des batteries, pour ne pas jeter ou détruire un ensemble de cellules dont quelques-unes seraient défaillantes. Pour cela il y a deux conditions :

  • que la batterie soit effectivement démontable et réparable; ce n‘est malheureusement pas la tendance chez certains acteurs (notamment Tesla qui pratique le cell-to-chassis et le gigacasting) et il est donc important que les fabricants automobiles s’imposent la réparabilité a priori dans leurs designs;
  • qu’un réseau de spécialistes se développe pour entretenir et réparer les batteries au plus près des clients et au maximum de leurs capacités.

Néanmoins, il arrivera bien un jour où la batterie ne sera plus réparable et il faudra la recycler, et ce sujet regroupe tous les acteurs. Recycler la batterie une fois sa vie terminée, c’est effectivement :

  • réduire considérablement l’empreinte carbone de la nouvelle batterie qui sera issue du recyclage;
  • ne pas avoir à sourcer des matériaux rares a l’etranger, et à coût élevé;
  • pouvoir refaire des batteries en local, sans passer par la case Chine;
  • ne pas détruire la valeur, et au contraire en récupérer une bonne partie;
  • garantir une nouvelle batterie à performances nominales.

Recycler les batteries est donc un élément essentiel pour limiter l’impact économique, environnemental et social du VE. Est-ce seulement faisable ?

Il est avéré par de nombreux acteurs (e.g. Veolia, Suez, Eramet, CATL) que la batterie d’un VE est recyclable à plus de 95%. Une fois le boîtier enlevé, l’électronique et les câbles retirés, l’ensemble des cellules peuvent être broyées dans ce qu’on appelle une “black mass” qui peut être recyclée, avec un taux de récupération des métaux proche de 100%, lesquels métaux sont recyclables à l’infini.

Par ailleurs l’Europe vient d’éditer le règlement 2023/1542 qui va imposer le recyclage des batteries avec plusieurs mesures

  • L’obligation de recycler les métaux (Lithium à 50% en 2027, 80% en 2031; Cobalt Cuivre et Nickel à 90% en 2027 et 95% en 2031)
  • L’obligation d’inclure dans les batteries neuves un taux croissant de métaux recyclés (Cobalt 16% en 2031 et 26% en 2036, Lithium 6% en 2031 et 12% en 2036, Nickel 6% en 2031 et 15% en 2036)
  • L’obligation dès 2026 de lier à chaque batterie un passeport numérique 

Enfin, d’après l’AIE, le volume de batteries à recycler serait en très forte augmentation, avec une estimation de l’ordre de 1 million de tonnes en 2030, 2,2 Mt en 2035 et 6,5 Mt en 2040.

On voit donc bien les enjeux considérables, mais aussi les actions de fond qui sont en train de se mettre en place pour répondre à une problématique très stratégique, qui combine souveraineté, emploi industriel et environnement. Ceci va notamment couvrir

  • La nécessité d’écoconception, de façon à permettre le recyclage de la batterie par design : démontabilité, réparabilité, recyclabilité.
  • Le besoin de mettre en place une filière de collecte des batteries sur les Véhicules Hors d’Usage mais aussi lors des réparations, maintenance et échanges.
  • Le besoin d’un écosystème circulaire entre industriels des matériaux, de la fabrication des cellules, de la collecte des batteries hors d’usage, de leur réparation et de leur recyclage.